Petit est un Grand. Sa chevelure de feu et son port altier du catogan bien serré nous ont fait maintes fois vaciller dans ce que nous croyions notre radicale hétérosexualité. C’est dire si le football et le joueur de football surprennent et suspendent nos catégorisations habituelles. C’est dire si le contre-pied et la passe délivrée dans un rien de contre-temps déjouent les pronostiques de nos commentaires désabusés, trop gavés de foot pour discerner chez les joueurs parfois trop anonymes ou trop discrets la grandeur cachée.
Certes Petit est un Grand, mais comme tous les grands, il n’a pas toujours été grand. Mes premiers souvenirs de Petit remontent à quand j’étais petit moi aussi ; ce n’était pas un petit club déjà Monaco, et déjà Petit n’était plus si petit, mais, dans ma mémoire défaillante, il n’était encore qu’un simple arrière-droit ou un arrière central, comme on disait à l’époque où les postes étaient hypostasiés et où le Système précédait toujours L’Animation, période essentialiste de nos enfances achevées pour toujours, où Parménide remportait le match contre Héraclite et où chaque joueur sur le terrain savait ce qu’il faisait et faisait ce qu’il savait, où le défenseur défendait et où l’attaquant attaquait, et les cages -la vache- étaient bien gardées.
Petit à l’époque défendait plutôt debout que le cul par terre. Il avait les cheveux courts alors, encore trop modeste pour se laisser aller à des ondulations capillaires ou footballistiques. Son jeu était sobre. Mais déjà, si petit qu’il fût, on le remarquait. Emmanuel Petit, bien que laborieux et appliqué encore, possédait déjà la science ou la prescience du placement, la relance propre, les performances sur la durée, les choses qui épanouirent plus tard la présence de ce joueur. Présence si énigmatique des grands joueurs qui s’énonce déjà dans leur démarche à l’entrée...
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