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Jorge Valdano : "Le football, c'est d'abord une émotion" Abonnés
Le 16 février 2022
Écrivain et champion du monde, en 1986, au côté de Maradona, Jorge Valdano est aussi commentateur, consultant, ancien joueur, entraîneur puis dirigeant du Real Madrid, l’une des voix les plus originales du football. Une conversation avec un tel esprit est un privilège. Il nous reçoit pour un déjeuner à Madrid, à quelques mètres d’un stade en travaux qu’il connaît bien, le Santiago-Bernabéu. Installez-vous confortablement. Et régalez-vous. Propos recueillis par Thibaut Leplat à Madrid
Jorge Valdano : "Le football, c'est d'abord une émotion"


Le grand écrivain contemporain espagnol et amateur de football Javier Marías a écrit que « le football, c’est la récupération hebdomadaire de l’enfance ». Entre les assauts de la VAR, de la technologie, du Big Data, des changements de règles, des nouvelles compétitions, n’est-il pas de plus en plus difficile de « récupérer notre enfance » ?
JV :
Quelque chose n’a pas changé, c’est l’émotion. L’émotion du football a une composante sentimentale qui vient de l’idée de transmission de père en fils. Je dois mon adhésion à un club à mon père. Je la transmettrai à mon tour à mon fils. Le club peut appartenir à un Russe, tous les joueurs être étrangers, l’identification au maillot est inamovible. C’est même plus que ça : tu peux être en colère contre tout le monde, les propriétaires, les joueurs, c’est le maillot qui établit et maintient la valeur symbolique, un peu comme le drapeau sur les champs de bataille. Dans mon cas, c’est un peu curieux. J’avais 4 ans quand mon père est décédé. Je n’ai gardé de lui que trois souvenirs, dont celui-ci : on vient de m’opérer des amygdales à Rosario et ce jour-là, le Racing de Avellaneda y joue. Mon père et mon grand frère racontent, fascinés, ce qu’ils viennent de voir. Oswaldo Negri, disent-ils, le gardien de but du Racing, s’est jeté vers l’arrière pour sortir un ballon, dans un plongeon extraordinaire. Je n’ai pas vu ce geste mais, à force de l’imaginer, c’est devenu un souvenir, d’autant plus fort que mon père est mort d’une crise cardiaque quelques mois plus tard. Je garde donc à l’égard du Racing un engagement sentimental fort.


Qu’entends-tu par engagement ? Que tu as une dette à l’égard de ce club ? Quelle forme prend-elle et comment s’en acquitter ?
JV...

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