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Religion
Le terrain des miracles Abonnés
Le 16 mai 2022
Comment le foot produit-il ces moments magiques, sacrés, qui défient le réel et rendent la vie moins morne ? Tentative de réponse, avec l'aide de quelques grands anthropologues.
Le terrain des miracles


Quelle différence y a-t-il entre le stade et l'église ? Entre un match et la messe ? Sans vouloir offenser personne, aucune. On s'y rend à intervalles réguliers, on y chante en chœur, on fait des gestes avec les mains, on s'assoit et se lève au même moment, on produit toute une panoplie de sons en réponse à des stimuli divers, on est tous membres d'une congrégation en transe, qui célèbre une divinité. De là à appeler les stades des temples ou des cathédrales, il n'y a qu'un pas et il n'est pas bien grand. Il a déjà été franchi.

Il aurait été surprenant que les anthropologues, ces explorateurs infatigables du fonctionnement des sociétés humaines, obsédés par les pratiques sociales et les traditions symboliques qui font le ciment d'une communauté et sont transmises d'une génération à l'autre, passent à côté du football. C'est ce que me dit souvent, avec un clin d'œil, l'un des meilleurs d'entre eux, Christian Bromberger, « que le football est un cadeau pour les anthropologues, dont on se demande s'il n'a pas été inventé pour leur faire plaisir ».

Parmi les chercheurs en sciences humaines et sociales, il a été l'un des premiers à se pencher sur le sujet. L'étude méticuleuse qu'il a conduite dans les années 1980 sur le comportement des foules dans les gradins de Naples, Turin et Marseille a fait date. Il a épluché les dimensions rituelles du football dans le détail, de la configuration spatiale particulière (le « sanctuaire » du stade) aux cycles temporels (les saisons ou les « grandes fêtes » pluriannuelles), en passant par les liturgies immuables et codifiées qui encadrent la « densité symbolique des valeurs mises en jeu ».

Il en a scruté les mécanismes de vénération et d'idolâtrie et, bien sûr, les pratiques magico-religieuses, le plus...

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