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Coupe du monde
L'Édito de Daniel Riolo et Gilbert Brisbois Gratuit
Le 4 novembre 2022
Daniel Riolo, Gilbert Brisbois et la rédaction de l'After Foot signent un numéro exceptionnel consacré à la coupe du Monde au Qatar. Opinions, révélations, enquête, polémiques... toutes les positions seront défendues sans tabou.
L'Édito de Daniel Riolo et Gilbert Brisbois


On ira au Qatar.

Parce que le boycott ne sert à rien et surtout parce que les journalistes doivent aller partout et raconter ce qu’ils voient. On ira aussi au Qatar parce que nous n’avons pas l’impression que « c’est mal ». Nous n’avons pas le sentiment de pactiser avec le diable et nous sommes, nous le croyons, lucides sur ce qu’est ou n’est pas ce pays.

Quand, le 2 décembre 2010, Sepp Blatter a ouvert l’enveloppe pour annoncer Russie 2018 et Qatar 2022, il y avait de quoi se boucher le nez. Les débats et polémiques sont vite apparus et se sont amplifiés au fil des années.

Qatar 2022, donc. Beurk, quelle horreur ! À la FIFA, tout le monde se refile la responsabilité de ce choix. En Suisse, « Mais qui a arrosé qui ? » devient le jeu à la mode – ce qui valide involontairement que c’est bien comme ça que sont attribuées les grandes compétitions internationales. Le CIO était vérolé jusqu’à l’os et la FIFA, ses membres, ses votants, plus ou moins influencés, plus ou moins « récompensés ». Havelange, Blatter, tout le monde s’accommodait du système.

Combien d’enquêtes, officielles ou non ? On a l’impression qu’elles fleurissent depuis dix ans. Qui a été condamné ? Il paraît que Blatter voulait filer le Mondial aux États-Unis. Obama passait des coups de fil. Lui, visiblement, avait le droit d’influencer. Blatter voulait Russie et USA, pour, dans la foulée, recevoir le Prix Nobel de la paix. Peut-être Obama aurait-il pu aider, va savoir.

Au final, l’histoire retiendra que ça s’est probablement joué dans le bureau du président Sarkozy. Le prince, Sarko, et Platini qui passe pour le café. Platini n’a jamais fait mystère de son vote, ni de l’impact, plus ou moins grand, de cette entrevue sur sa décision. La justice cherche depuis dix ans de quelle façon il en aurait été gratifié. Elle ne trouve rien et ne trouvera jamais rien. Platini s’est simplement inscrit dans la logique politique française du moment. Pour nous remercier, le Qatar a subventionné le foot français. Pas un acteur, pas un spectateur, pas un supporter de notre foot n’a le droit d’ouvrir la bouche sur le Qatar. Ou alors, il assume et raye la Ligue 1 et ses joueurs de sa vie.

Le monde du foot dans son ensemble a profité de l’argent du Qatar. La liste des partenariats, des ambassadeurs, de tous les clubs, des personnes, des institutions qui ont profité de l’argent du Qatar est très longue.

La question climatique est arrivée plus tard dans le débat. Des stades climatisés ont été construits, mais puisque la compétition a été déplacée en novembre, ces fâcheuses clims, elles ne devraient pas être mises en route.

Une autre polémique tient au droit des travailleurs. Les enquêtes sont consternantes. Et même si la réalité ainsi mise en lumière est contestée officiellement, il est difficile de ne pas croire les différentes investigations ou rapports, comme ceux d’Amnesty International. Conséquences ? Deux ou trois avancées et prises de conscience au Qatar. Et après ? Le 18 décembre, le rideau tombera et on ira s’indigner ailleurs. Non ? Tous les « sans poste fixe », tels François Hollande, font la leçon : « Nous n’irons pas. » Ou : « Si j’étais, je n’irais pas. » Les Tartuffes, Lindon et autres Cantona, font de la géopolitique de comptoir. On tente de nous vendre un monde diplomatique qui serait cohérent ou devrait l’être.

Le Qatar est un allié politique et économique de tous ces pays dont certains ressortissants réclament le boycott. Ils en ont le droit, bien sûr, il ne manquerait plus que ce ne soit pas cas. Ils ont le droit d’avoir une vision du monde simpliste.

Alors quoi ? Dix ans de débats pour aboutir à un aboutissement cynique ? Pour dire « On est allé en Argentine en 78, en Chine pour les JO 2008, en Russie en 2018 » ? Pour dire « Fermons nos gueules et allons applaudir les joueurs à Doha ? » Pas forcément. Mais, plutôt que de regarder en arrière, de revenir sur une décision prise il y a douze ans, envisageons la suite. Et rappelons, au passage, que l’Assemblée générale de l’ONU a validé la Coupe du monde en avril 2022.

Amnesty International n’a jamais réclamé le boycott. L’organisation milite pour une prise de conscience. Son action peut servir à attribuer différemment, désormais, les compétitions internationales. Des droits humains, des contraintes écologiques à respecter ? On est pour. Que la FIFA, dont le président est désormais installé à Doha, demande à ses services de rédiger les nouvelles règles. Nous attendons de voir de quelle façon on parlera des droits humains et quelle définition sera retenue. Nous sommes aussi circonspects qu’impatients de lire ça.

Restera à objectiviser les impératifs climatiques. Il y a là matière à l’optimisme, à terminer sur une note d’espoir. Enfin, seulement une fois que sera déterminé qui voyagera en avion ou en train et si les matchs seront tous joués en journée et sur des pelouses en terre. Merde, on vient de froisser notre note d’espoir…

Ce numéro de la Revue de L’After ne parle pas que du Qatar. Fort heureusement.

La Coupe du monde nous fait encore rêver. Nous avons donc demandé à nos contributeurs de raconter des bouts de Mondial. Des souvenirs, des histoires qui ont marqué les différentes éditions. Vous apprendrez comment la demi-finale de Séville est vue en Allemagne. Pourquoi la Coupe du monde 82 est la plus belle. Pourquoi les Pays-Bas ne gagnent jamais. Que le Pays Basque a refusé de célébrer la victoire espagnole de 2010. Qui est ce joueur soviétique qui a piqué le ballon d’or à Maradona en 1986. Ou pourquoi, en Argentine, la génération 78, championne du monde, est dénigrée.

Si vous n’êtes pas d’accord avec un papier, on en débat, on parle foot. C’est ce qu’on aime par-dessus tout, non ?

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