De nos jours, le dribble et l’instinct semblent parfois incompatibles avec un football plus tactique et structuré que jamais. Ces inspirations sont réservées à un nombre limité de joueurs, dans des zones bien précises. En effet, le terrain de jeu moderne est minutieusement quadrillé, et le frisson (s’il y en a un) vient des zones excentrées, collées à la ligne. Les dribbleurs contemporains, souvent des ailiers rapides, explosifs et au physique hors pair, sont donc cantonnés à ces espaces réduits. Une perte de balle sur un côté étant moins dangereuse que dans l’axe du terrain.

A l’ère des probabilités, les risques offensifs maximums sont pris dans les zones à risques défensifs minimums, une logique implacable.

L’instinct des joueurs se manifeste différemment pour s’adapter à ce nouveau football. C’est plutôt sans ballon que cette faculté s’exprime chez le footballeur moderne, que ce soit à travers leurs mouvements pour donner vie à des structures tactiques parfois rigides ou pour lancer un pressing au moment opportun et amorcer la récupération du ballon. Ce jeu invisible est souvent le facteur X pour débloquer une rencontre, et les joueurs qui y excellent s’arrachent à prix d’or. On peut également y voir une forme de revanche pour ces joueurs de l'ombre, longtemps négligés au profit des artistes du ballon. Les deux transferts les plus importants du dernier mercato estival (Declan Rice à Arsenal et Moises Caicedo à Chelsea, chacun pour 116 millions d'euros) témoignent encore davantage de ce nouveau paradigme. À l’inverse, le talent hors du commun de Rayan Cherki ne trouve pas vraiment sa place sur l’échiquier tactique des entraîneurs ; trop imprévisible, trop avare d’efforts sans ballon, trop d’instinctif peut-être, trop à l’ancienne ?

Pourtant, le football a été façonné par des joueurs à l’instinct et à la créativité très développés ; Pelé, Maradona,...